CONSERVATISME VERSUS PROGRESSISME RELIGIEUX

CONSERVATISME VERSUS PROGRESSISME RELIGIEUX
(traduction et introduction de Omero Marongiu-Perria)

L’Union internationale des savants musulmans, présidée par le dr Yûsuf al-Qaradhâwî, a publié une réponse aux orientations annoncées par le président de la république tunisienne concernant l’héritage et le droit pour la tunisienne musulmane de se marier avec un non musulman.

J’ai traduit le texte arabe en français afin que chacun puisse se faire son idée. C’est un peu long mais ça vaut vraiment la peine de lire.

Les arguments avancés ci-dessous contiennent une part d’essentialisation des textes de l’islam qui confirme le repli sur soi d’une partie des leaders religieux musulmans. La coupure avec les sociétés d’Islam risque d’en n’être que plus grande. Dans tous les cas, nous sommes loin des développements argumentés dont étaient capables les théologiens musulmans jusqu’au milieu du 20e siècle.

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Au nom de Dieu le Miséricordieux par Essence et par Excellence

La louange revient à Dieu, les salutations et la paix soient sur le Messager de Dieu, sur sa famille, ses compagnons et ceux qui suivent sa guidée,

Les médias ont diffusé, ces derniers jours, l’information selon laquelle le président tunisien a annoncé qu’il compte s’acheminer vers la promulgation d’une nouvelle loi qui établira l’égalité entre les hommes et les femmes dans les règles de l’héritage, et qui autorisera les femmes tunisiennes musulmanes à se marier avec des non musulmans.
Après cette annonce, le « Mufti de la république » et avec lui le « bureau des fatwas » ont annoncé immédiatement le soutien total aux propos du président, contredisant ainsi les fatwas que le bureau a promulgué à la fin de l’année 2016.
Cependant, la plupart des savants tunisiens ont publié un communiqué en réponse au président tunisien en fournissant une réponse complète fondé sur la charia. D’autres réactions ont été publiées de la part d’organismes religieux au niveau du monde musulman, tout comme les allégations du président Sebsi ont provoqué des réactions de colère de la part de l’ensemble des musulmans (sic !). Pour sa part, l’Union internationale des savants musulmans fait part de sa grande surprise et de sa condamnation des propos tenus par le président tunisien et le bureau des fatwas, et il déclare et affirme que :

1. L’islam a ennobli la femme et il lui a octroyé ses pleins droits au sein d’un système équilibré et juste sur lequel les cieux et la terre ont été créés, et au sein de droits réciproques qui reposent sur la responsabilité, car Dieu dit : « Et elles ont des droits équivalents à leurs devoirs selon le ce qui est connu, et les hommes possèdent un degré sur elles » (2, 228).

2. Les règles relatives à l’héritage qui sont mentionnées de manière explicite dans le noble Coran sont considérées comme un ensemble de canons indiscutables et de règles fixes qui font l’unanimité au sein de toutes les écoles juridiques musulmanes (sic !). Elles forment une partie d’un système juste et complémentaire en harmonie avec les canons relatifs à la famille et à son organisation solide dans l’islam. Dieu dit à ce propos : « Dieu vous recommande au sujet de vos enfants : au garçon revient la part de deux filles » (4, 11). Les exégètes ont dit, à ce propos : « Ce verset est un pilier parmi les piliers de la religion, l’un des fondements des canons et l’un des versets principales du Coran ». On remarquera que l’héritage de la femme correspondant à la moitié de celui de l’homme n’est pas une règle absolue, au contraire, il existe plus de trente situations dans lesquelles la femme hérite à parité avec l’homme, voire même plus que lui, et parfois c’est elle qui hérite exclusivement, cela au sein d’un système équilibré qui est bien plus juste que l’égalité absolue, dans la mesure où ce système prend en compte le niveau de parentèle et la place [au niveau généalogique] des héritiers, ainsi que les charges qui reposeront sur l’homme du fait des dépenses qu’ils doit engager [au bénéfice des femmes à sa charge]. L’héritage est donc une obligation divine qui repose sur la sagesse et la justice, et Dieu dit : « Voici les limites de Dieu, et quiconque suit Dieu et son Messager Il le fera entrer aux jardins sous lesquels coulent des ruisseaux. Ils y demeureront éternellement. Et ceci est la grande réussite. Quant à celui qui désobéit à Dieu et à son Messager et qui transgresse Ses limites Il le fera entrer en un feu dans lequel il demeurera éternellement avec un châtiment avilissant » (4, 13-14).

3. Le mariage d’une musulmane avec un non musulman contredit le Coran, la tradition prophétique et le consensus de la communauté, et il n’est permis en aucune façon de transgresser cette limite. Dieu dit : « Et ne mariez pas les associateurs [aux femmes musulmanes] jusqu’à ce qu’ils croient [en l’islam] » (2, 221). Et Il dit au sujet de l’interdiction des femmes musulmanes pour les mécréants : « Elles ne peuvent leur être licites comme ils ne peuvent leur être licites » (60, 10). Les musulmans sont unanimes sur cette interdiction, les savants de la Zeitouna ont d’ailleurs promulgué une fatwa en 1950 au sujet du mariage d’une jeune fille tunisienne avec un non musulman, dans laquelle était mentionné que : « ce mariage est nul et sans fondement dans la charia, et il ne convient pas de le nommer par le qualificatif de mariage, il s’agit au contraire d’une pure ignominie. » Depuis l’époque des compagnons du Prophète jusqu’à ce jour, les savants musulmans sont unanimes sur le fait que l’identité musulmane du mari est une condition de validité du mariage de la femme musulmane.

4. Aussi, l’orientation prise par le président de la république et le bureau des fatwas n’entraine aucun bénéfice, ni pour la Tunisie ancrée depuis des lustres dans sont identité et sa civilisation musulmane, ni pour la femme tunisienne fière de sa religion, tout comme elle ne règle aucun des problèmes du peuple tunisien. Au contraire, elle ne fait qu’accentuer ses souffrances et ses contradictions tout comme sa préoccupation et ses polémiques au sujet de problèmes complètement fabriqués.

5. Cette orientation contredit la constitution tunisienne elle-même, dans la mesure où elle mentionne dans son préambule : « l’adhésion aux enseignements de l’islam et à ses finalités » et, dans son chapitre premier : « l’islam est la religion de l’État ». Elle s’oppose également à la circulaire n°73 qui interdit le mariage d’une tunisienne avec un non musulman.

6. Sur la base de tout ce qui a été mentionné, nous appelons le peuple tunisien, femmes et hommes, à exprimer leur refus et leur opposition à cette orientation et à cette tentative. Bien plus, nous appelons le président tunisien à faire marche arrière au sujet de cette décision qu’il affirme avoir prise en conformité avec la religion. Sachant que la preuve lui a été faite au sujet de ce que dit réellement l’islam, le retour vers la vérité est une vertu, comme c’est une obligation et un devoir. Nous appelons également les membres du parlement à préserver les principes du peuple et les choses qu’il considère comme sacrées, à refuser ce projet afin de préserver leur religion et leur peuple et, ainsi, de respecter leur engagements. Dieu dit : « Mais non, par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants tant qu’ils ne t’auront pas pris comme juge pour trancher leurs conflits et que, par la suite, ils n’acceptent ta décision sans aucune contrariété, en y adhérant totalement » (4, 65).

Le président
Dr Yûsuf al-Qaradhâwî

Le secrétaire général
Dr ‘Alî al-Qarh Dâghî

Source : http://maghrebnews.org/2017/08/في-بيان-له-الاتحاد-العالمي-لعلماء-المس/