In memoriam Noël Rixhon
« Nous retournerons tous
dans l’état où nous étions
auparavant de naître
ou auparavant que d’être,
et comme il est sûr
que pour lors
nous ne pensions à rien
et que nous n’étions rien,
de même aussi il est sûr
qu’après la mort
nous ne penserons plus à rien,
nous ne sentirons plus rien
et nous n’imaginerons plus rien »1.
Retour au rien, fatalité du rien,
inanité du rien, silence du rien.
Rien ne comble le rien,
rien ne remplace le rien,
rien ne console du rien,
sauf aujourd’hui, la vive jubilation
de savoir avec certitude,
d’accepter sans réticence
l’inévitable rien post-mortem.
Et rien, c’est rien, absolument !
*
Vivifiante jubilation d’être,
d’être foncièrement libre,
liberté conquise et accomplie
en son essence même, seule véritable :
être soi-même ni plus ni moins,
connaissance, jamais achevée, de soi,
du limité et du meilleur de soi
en active reliance au monde,
reliance à autrui dans la distance ;
essentielle nudité de l’esprit
nettoyé, désencombré, vidé
des mythiques fadaises insensées,
vaines et néfastes des religions
créées aux fins d’éluder le rien,
du chef de délirants illuminés
tels des gosses paniqués dans le noir,
irrationnellement transis de peur,
peur de l’inconnu, peur du néant,
peur du vide, peur de l’insaisissable,
peur du temps qui passe,
peur d’un monde sans destin,
triste lot de la multitude des mortels
au mental désemparé et malade
de leur implacable finitude,
invétérés rêveurs d’éternité,
niant d’être à même enseigne
qu’animaux, plantes et minéraux.
*
Prégnante jubilation du bon sens
lucide, serein et mature
s’offrant le délicieux et nourrissant plaisir
de cultiver, écouter le silence,
contempler, scruter sans répit
les merveilles du cosmos et du vivant,
interroger leurs profonds secrets,
prendre le temps de réfléchir ;
éveillant en outre la conscience
à la dure et nécessaire compassion
face aux maux, malheurs et souffrances
de par les soubresauts et colères de la terre,
les défauts et déviations de la nature,
les déficiences et incuries de la société,
les malveillances et violences de l’humain.
Insigne sagesse de la raison
regardant les choses en face,
refusant de se voiler la face
d’un prétendu et fallacieux surnaturel,
d’un imaginaire fantaisiste et infantile,
ingrédient d’une consolation facile,
lâche, illusoire et désespérante.
Mais enfin, quelle consolation ?
Que sentirait-on, verrait-on, penserait-on,
dirait-on, ferait-on, serait-on
sans matière ni tête ni bras ni jambes ?
Rien, rien, absolument rien !
Impuissance totale, monotonie absolue,
éternité oisive, ennuyeuse à mourir !
*
Oui, tout être finit par ne plus être.
Ainsi va la vie. Ainsi vaut la mort.
Et l’immense univers demeure…
Ainsi en est-il. Ainsi soit-il.
Note
Jean Meslier, Chapitre 73 de son Mémoire.
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