Jésus, le fils de Marie et de Joseph
Robert Joly
Deuxième partie
Le fils de Marie et de Joseph
La première partie de ce texte a été publiée sous le titre : « Jésus a bel et bien existé » dans notre newsletter précédente ; on y trouve également l’introduction à l’ensemble du texte de la conférence Robert Joly et une courte présentation de Robert Joly par Patrice Dartevelle. La troisième partie sera publiée dans le prochain numéro sous le titre : « L’annonceur annoncé ».
Jésus est un homme
Maintenant, je veux insister tout de même sur ce fait : pourquoi est-on sûr que Jésus a existé ? Je ne vous donne pas toutes les raisons, loin de là, mais je vous en donne quelques-unes. Deux au moins qui sont frappantes.
Si Jésus n’a pas existé, il a bien fallu l’inventer, ce serait donc un mythe, mais c’est un mythe alors qui n’a pu être inventé qu’au début, au plus tôt, au début du deuxième siècle, certains ont même dit vers 150 et alors, ce serait le contraire de ce que je vous dis. Moi, je vous dis que Jésus, c’est un homme dont on a fait un Dieu.
Mais ceux qui croient que Jésus est purement un mythe, ils croient que c’est un Dieu mythique dont on a fait un homme à qui on a donné une biographie. Oui, mais alors se pose la question : Pourquoi est-ce qu’on aurait imaginé que cet homme était juif et encore, même pas de Jérusalem, mais de Galilée, c’est-à-dire le pays le plus reculé chez les juifs ? Eh bien, on ne trouve pas de réponse à ça parce que, au deuxième siècle, le divorce entre juifs et chrétiens est total. C’est la guerre ouverte. Des chrétiens qui ont inventé une biographie de Jésus ne l’auraient sûrement pas fait juif ; si Jésus est juif, c’est parce que c’est authentique. Voilà la première des raisons, la première chose à laquelle on n’a jamais répondu, mais le principal n’est pas là.
« Il a perdu la tête »
Le faisceau d’arguments essentiel, c’est celui-ci. Il y a dans les Évangiles des affirmations sur Jésus qu’on n’aurait jamais inventées au deuxième siècle. Pourquoi ? Mais parce qu’elles choquent, parce qu’elles ne sont pas à la hauteur du personnage qu’on se figure au deuxième siècle ; mais elles ont tout de même été véhiculées, elles sont là et on les respecte parce que ce qui est traditionnel est respecté et puis, à la façon dont on lit — il faut bien vous imaginer que les premières générations chrétiennes ne sont pas faites d’universitaires et encore moins de gens qui ont un métier d’historien — ce n’est pas ça qui les intéresse. Donc, une tradition qui gêne, qui gêne au deuxième siècle, eh bien, elle est conservée tout de même. Ah, je ne dis pas qu’elles sont toutes conservées, on a pu en laisser tomber tout de même, mais nous en avons assez pour voir que ça n’a pas pu s’inventer.
Voici quelques exemples. Dans Marc, surtout dans Marc, mais aussi un peu dans Matthieu et Luc, qui atténuent — ils sentent bien que c’est gênant et ils atténuent un petit peu — mais dans Marc, on voit très bien que la famille de Jésus n’est pas du tout enthousiasmée de sa prédication. Le texte exact : les parents de Jésus disent à un moment donné dans Marc, au style direct donc, ils disent : « Il a perdu la tête. » Vous voyez, on le prend, la famille l’a pris pour un illuminé. C’est très clair et nous avons ça dans le texte de Marc. « Il a perdu la tête », la famille est gênée de ce…, elle le prend…, elle est confuse, elle, des bruits qu’on fait autour de lui, on lui attribue déjà des guérisons, on se questionne, on questionne la famille. La famille marche devant, elle est gênée et à un moment donné, en réponse à des gens hostiles à Jésus, la famille dit : « Il a sans doute perdu la tête. » Est-ce qu’on aurait inventé ça au deuxième siècle ? Ce n’est pas pensable.
Au deuxième siècle, Jésus, ressuscité, est fils de Dieu, Seigneur. On n’irait pas faire dire à la famille qu’il a perdu la tête. La famille s’est tenue prudemment à l’écart de la mission de Jésus et c’est sans ça qui fait que Marie n’était pas au calvaire. Mais Jean l’y met, c’est devenu indispensable que la mère de Jésus soit au calvaire, mais l’authentique fait que la famille était très réservée. Dans Matthieu, Jésus dit à ses apôtres — il y a des trucs singuliers avec ses apôtres — À un moment donné, il les envoie deux par deux enseigner Israël et au chapitre suivant, ils sont encore tous là et on ne parle plus de sa mission. Vous voyez les raccords sont bizarres. Mais Jésus dit à ses apôtres : « Ne quittez pas Israël. Vous n’aurez pas fini de faire les villes d’Israël que le monde sera terminé, que ce sera la fin du monde. » Donc, il leur donne l’ordre de ne pas quitter Israël et Saint-Paul fait tout le contraire.
« Allez enseigner les nations »
Le même évangile, la fin de Matthieu, c’est un texte très connu, Jésus ressuscité dit à ses disciples : « Allez enseigner les nations ». Toutes les nations, c’est devenu universel. Le même évangile se contredit, ça n’est pas étonnant ; encore une fois, ce sont des traditions diverses qu’on reprend pieusement sans se poser trop de questions. Quel est l’authentique là-dedans ? Mais évidemment, c’est la limitation à Israël. Jésus était juif et il restait juif et il tient à dire : « Ne quittez pas Israël ! », et après ça, le christianisme va sortir d’Israël, il va convertir les païens et on fera dire à Jésus : « Enseignez les nations ! »
Mais qu’est-ce qui est l’authentique là-dedans ? De toute façon, au deuxième siècle, on n’aurait pas imaginé de faire dire à Jésus qu’il fallait se limiter à Israël, c’était impensable.
Donc, ça, c’est ancien, c’est authentique, sinon on ne l’aurait pas inventé, ça contredisait la réalité même du christianisme à l’époque et depuis longtemps, depuis Paul au moins. On dit dans Marc, à tel endroit où il est un peu chahuté, Jésus — ça arrive — est là et il n’a pas pu faire de miracle. Est-ce qu’on dirait ça au deuxième siècle ? Est-ce qu’on inventerait une chose pareille ? Allons donc ! Il n’a pas pu faire de miracle, mais un personnage qu’on a déjà mis très haut maintenant, rien ne l’empêche de faire des miracles. Marc dit ça : « Et à cet endroit, il n’a pas pu faire de miracle », il ne dit pas pourquoi. Mais enfin, on voit bien que l’opposition est assez forte et il n’a pas pu faire de miracle. Ce n’est pas une chose qu’on invente.
Il y a aussi les propos, quelqu’un lui dit : « Bon maître », il veut lui poser une question et Jésus l’interrompt et lui dit : « Ne m’appelle pas bon. Seul Dieu est bon. » Jésus ne se prenait pas pour Dieu et il y a une distance infinie entre Dieu et lui. « Ne m’appelle pas bon ! » : vous comprenez bien si Jésus, seconde personne de la Trinité qui est Dieu à part entière, n’aurait pas pu dire ça, mais lui le peut très bien. Toujours est-il qu’au deuxième siècle, ça devait déjà choquer un peu. Cette tradition est noyée dans le reste et elle est parvenue à nous, mais on n’aurait pas inventé ça au deuxième siècle.
La Passion
On n’aurait pas sans doute inventé non plus certains propos de la Passion. J’ai dit que la Passion est rédigée assez tôt, et c’est un événement dramatique, bien entendu, qui a pu laisser des souvenirs exacts, mais les souvenirs qui ont le plus de chance d’être exacts, c’est évidemment ceux qui montrent un Jésus complètement homme et tout à fait abandonné. « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Oui ça, ça doit être authentique et peut-être qu’on ne l’aurait pas inventé plus tard. Et « Écarte cette coupe de moi… », mais un des grands arguments aussi, qui est sûrement authentique, c’est la croix, c’est la crucifixion. On n’aurait jamais inventé un Jésus juif au deuxième siècle et on n’aurait jamais inventé un personnage crucifié. Pourquoi ? Parce qu’aussi bien chez les juifs que chez les Grecs, la croix, c’est la pire des choses. La croix ? Il y a un texte de la Bible juive qui dit : « Maudit soit celui qui est pendu au bois ». Ça veut dire crucifié. Maudit ! Et chez les païens, c’est pareil. La croix, c’est le supplice de l’esclave. Et par exemple, Cicéron, qui est presque un contemporain, il meurt quarante ans avant Jésus-Christ, Cicéron qui plaide pour quelqu’un qui est accusé d’avoir fait crucifier des citoyens romains, il proteste, il dit : « Ce n’est pas vrai, mais la croix, c’est une abomination. Un citoyen romain non seulement ne peut pas la voir, mais il ne peut même pas en parler ». Vous voyez à quel point les païens avaient horreur de la croix, mais les juifs aussi, si bien que si Jésus a été crucifié, il faut bien que ce soit authentique. En réalité, Jésus a été pris par des Romains, il a été crucifié, condamné par des Romains, il a été pris pour un agitateur politique, un perturbateur de l’ordre, vous savez, on ne regarde pas tellement, on l’a crucifié. La raison était sûrement fausse. Ce n’est pas un agitateur politique, Jésus, ce n’est pas un révolutionnaire, pas du tout. Beaucoup de gens aimeraient le croire aujourd’hui. Les croyants qui sont révolutionnaires veulent croire que Jésus l’était et on nous écrit des livres là-dessus, mais on ne sait pas du tout que Jésus ait eu une once de révolutionnaire. Mais les Romains l’ont condamné, on n’y regardait pas. Est-ce qu’on y regarde de près en Afrique du Sud aujourd’hui ? Non. Les Romains ne regardaient pas de si près non plus. Il a été condamné par les Romains. La croix est un supplice romain. Les juifs ne crucifiaient pas, ils lapidaient, mais dans les Évangiles, on peut suivre les récits du procès de Jésus et avec le temps, les juifs ont de plus en plus d’importance. Ça, c’est ce que je vous disais, entre juifs et chrétiens, ça va de mal en pis avec le temps et on va faire retomber la faute de la mort de Jésus sur les juifs beaucoup plus que sur les Romains. Parce que les chrétiens vivent dans l’Empire et que par contre, ils sont très hostiles aux juifs. Il y a un changement de ton. À l’origine, c’est les Romains et peut-être un petit peu les juifs, qui ont pu avoir une incitation. Jésus ne plaisait pas non plus aux autorités juives, mais le procès est romain et peu à peu, l’accent change et on va mettre à peu près tout le poids sur les juifs et c’est ça qui fera les ghettos, d’ailleurs, à travers toute l’histoire et le renom du peuple déicide et ça a joué un rôle évidemment dans l’antisémitisme.
La croix est authentique
Mais tout ça fait que la croix est authentique ; il n’y a aucun moyen de penser le contraire.
Donc, la principale raison pour affirmer, pour être sûr que Jésus a existé, c’est que la tradition a conservé un certain nombre d’affirmations qui n’auraient pas pu être inventées plus tard, qu’on a recueillies parce qu’elles étaient anciennes et selon les historiens, authentiques, mais qu’on n’aurait pas inventées parce que la foi alors n’aurait pas toléré d’inventer des choses pareilles.
Quand on a fait ce travail dont je ne vous donne qu’un échantillon ou l’autre, qu’est-ce qui reste, qu’est-ce qu’on peut dire de Jésus ?
Jésus a été un homme juif de Galilée.
Il a été un prophète, un prophète.
Est-ce qu’il s’est cru prophète ?
Il s’est cru prophète, ça, c’est sûr. Il avait un message.
Est-ce qu’il s’est cru messie, déjà ? On peut en discuter, mais moi, je ne le pense pas. Il n’y a tout de même qu’un texte un peu fort qui permettrait de le croire. C’est peu tout de même.
Donc, le Messie, ce serait déjà tout autre chose, mais, attention, pour un juif, le Messie, c’est tout de même un homme, mais rien qu’un homme, un homme investi d’un pouvoir divin plus grand que le prophète. C’est l’homme qui va inaugurer la fin du monde, mais c’est un homme. Ce n’est pas Dieu, ce n’est pas un Fils de Dieu.
Fils de Dieu ?
D’ailleurs, il faut vous méfier aussi. Fils de Dieu ? N’allez pas croire que quelqu’un qui s’appelle Fils de Dieu ait un caractère divin. — Les rois, les rois juifs s’appelaient Fils de Dieu ; la Bible juive donne le titre de Fils de Dieu à pas mal de gens. — Ça ne veut pas dire que son essence, si vous voulez, serait divine. Non, mais par rapport à prophète, messie et puis, Fils de Dieu, ça représente des majorations.
Seigneur aussi, parce que Seigneur — ce n’est d’ailleurs pas les juifs, c’est plutôt les païens convertis qui appellent le Christ Jésus notre Seigneur. Seigneur, c’est le titre de l’Empereur romain et l’Empereur est tout de même considéré comme divin, d’une certaine manière. Il y a là des majorations successives.
Jésus, fils de Marie, bien sûr, mais fils de Joseph aussi, mais on a voulu croire très tôt, très tôt, à la naissance miraculeuse de Jésus. En milieu grec, en milieu païen converti, la mythologie grecque, l’attitude religieuse des Grecs exigeait qu’un homme important ait une naissance miraculeuse et la naissance virginale de Jésus, évidemment, fait partie des majorations.
Il a des frères et des sœurs dans les Évangiles. Ça a posé de gros problèmes aux croyants. On a eu plusieurs explications quand on n’a plus voulu admettre qu’il ait eu des frères et des sœurs. D’abord, on a admis qu’il avait des frères et des sœurs, mais c’était lui l’aîné, mais ça ne suffisait pas. On n’a pas supporté longtemps que Marie ait d’autres enfants. Vous voyez, Jésus accapare tout, il monte et on ne veut plus que Marie ait eu d’autres enfants, peut-être même par des voies naturelles. C’est indigne de Marie qui est la Vierge pour les catholiques depuis longtemps. On n’a plus toléré ça. Alors, on a fait des frères et des sœurs, parce que les Évangiles, ils parlent de frères et de sœurs, les enfants de Joseph d’un premier lit. Ainsi, Marie était indemne. Puis, on ne s’est pas contenté de ça non plus. On a trouvé encore cette promiscuité un peu trop compromettante, on a préféré se faire même de Joseph une idée un peu majorée d’un vieillard apaisé et on n’a même plus voulu qu’il ait eu des enfants avant. On l’a fait apaisé toute sa vie pratiquement. Oui, on a plaidé la virginité de Joseph aussi. Mais ça n’a jamais eu l’importance de la virginité de la Vierge dont on a discuté à perte de vue.
La Vierge, majoration de Marie
Vous n’imaginez pas les propos précis des Pères de l’Église, se demandant si la Vierge était vierge avant la conception, mais aussi pendant l’accouchement, et après. La réponse a été oui aux trois, pour finir. Mais certains Pères hésitent et admettent, par exemple, qu’entre avant et après, mais, mon Dieu, pour l’accouchement, ça a dû tout de même s’ouvrir un petit peu et puis, se refermer. Oui, on a des situations très graves dans les Pères de l’Église, mais la Virginité intégrale, totale et donc, et une naissance purement miraculeuse l’emportera.
Et vous voyez, la majoration dont je parle, la boule de neige, une fois que Jésus est arrivé au sommet, est Dieu à part entière, on ne peut tout de même pas continuer et le même processus va prendre Marie et va faire boule de neige pour Marie aussi. Joseph restera tout de même sagement à l’écart de tout ça. Mais Marie…, regardez dans le monde catholique, l’importance de la Vierge Marie. Eh bien, dans les Évangiles, c’est trois fois rien, c’est même une certaine hostilité et Jésus a des propos acides, a des propos parfois un peu agressifs à l’égard de sa mère. Aux noces de Canna, notamment. Même chez Jean. Et alors, Marie… naissance virginale, naissance miraculeuse.
Les enfances de Jésus — je dis « les enfances » : c’est complètement mythique tout ça —, elles ne sont pas dans Marc, Marc commence à la vie publique de Jésus quand Jésus a trente ans environ et il ne dit rien de l’enfance. Matthieu et Marc, eux, sont très abondants. Les premiers chapitres concernent l’enfance et la préhistoire de la famille et l’annonce de la naissance et c’est divergent ; chez Matthieu et Luc, ce n’est pas la même chose. Mais il y a là des apports déjà légendaires ; on ne connaissait rien de l’enfance, mais on a voulu en avoir, c’est ça la foi, si vous voulez et on a deux traditions qui ne se sont pas connues, mais qui ont répondu au même besoin de connaître l’enfance de Jésus. Et il y a parfois des divergences ; Luc étant le plus étoffé, le plus légendaire des deux, mais Marie bénéficie de tout ça : elle sera au calvaire chez Jean et après ça, non seulement elle aura eu Jésus en restant vierge, mais on parlera de l’Immaculée Conception. Il ne faut pas confondre naissance virginale et Immaculée Conception. (N.B. : Il s’agit là de la naissance (Conception) de Marie sans tache (Immaculée), sans être frappée du péché originel, en vue de la naissance future de Jésus, naissance virginale, celle-là.) Il n’y a que trois semaines que je bavardais avec une vieille institutrice catholique qui enseignait la religion pendant cinquante ans et qui ne voyait pas la différence. Pauvres enfants !
L’Immaculée Conception n’est devenue un dogme qu’en 1850 et des, mais c’est une tradition populaire chrétienne depuis très longtemps. Je ne sais plus la date exacte, c’est au milieu du siècle dernier qu’on a proclamé le dogme. (N.B. : 1854 — Pie IX) Et remarquez, trois ans après à Lourdes, la Vierge dit : « Je suis l’Immaculée Conception », un peu comme quelqu’un fraîchement décoré arborerait sa décoration. C’est curieux. Trois ans après, elle dit : « Je suis l’Immaculée Conception », et en cinquante, en 1950 (N.B. : 1950 — Pie XII), le dernier dogme proclamé concerne encore Marie. C’est l’Assomption de la Vierge. Elle serait montée au ciel, comme la croyance était que Jésus en corps était monté au ciel à l’Ascension, Marie a son Assomption. C’est aussi une très vieille légende, qui n’est attestée qu’au sixième siècle pour la première fois, mais les foules méditerranéennes — le catholicisme est très méditerranéen et sud-américain — tenaient beaucoup à cette croyance-là depuis des siècles et l’ont imposée à Rome, parce que — Rome, vous savez, peut-être plus raisonnable que vous croyez, Rome freine parfois la volonté des fidèles d’aller plus loin et Rome a tenu bon très longtemps. Rome sait bien que l’Assomption de la Vierge n’est pas du tout dans les Écritures. Je vous dis, le premier témoignage est du sixième siècle dans un texte manifestement populaire et légendaire (N.B. : De la Gloire des Martyrs — Grégoire de Tours).
L’université de Louvain consultée avant la proclamation — les universités catholiques sont consultées avant la proclamation d’un dogme — avait dit non, mais Salamanque avait dit oui et le Sud l’a emporté. Aujourd’hui, ils s’en mordent les doigts parce que l’œcuménisme n’a rien gagné à l’Assomption de la Vierge, puisque les protestants sont très hostiles, eux, à toute inflation du culte de Marie de sorte que ça a jeté un froid et ça continue.
Le culte de Marie
Vous voyez le culte de Marie, l’importance qu’elle a eue et si on proclame encore un jour un dogme, ce sera encore Marie. Dieu est épuisé et on n’a plus rien à dire de nouveau sur Dieu et la Trinité, mais dans certains milieux depuis trente ou quarante ans, on pense à proclamer le dogme de Marie Médiatrice, c’est-à-dire intercesseur presque obligé entre le pécheur et le Christ. Marie Médiatrice, ça reste dans les cartons pour le moment, parce que l’œcuménisme, l’entente si difficile de toute façon avec les protestants en prendrait encore un coup.
Mais, mais, on ne sait jamais.
Un refroidissement de l’œcuménisme et une poussée sud-américaine feraient assez pour avoir le dogme de Marie Médiatrice, un jour. Ça ne m’étonnerait pas trop, mais ce n’est pas non plus à moyen terme. Dans la situation actuelle, malgré sans doute le désir de Jean-Paul II, parce que, s’il y a bien quelqu’un qui pousse au culte de la Vierge, vous savez bien que c’est lui et même quand il a paru la première fois au balcon, après son élection, dans les quelques minutes qu’il a parlé, il a parlé trois fois de la Vierge Marie. Les protestants faisaient grise mine. Ce n’est pas un pape polonais bien sûr qui va vouloir freiner le culte de Marie, ce n’est pas possible non plus.
Eh bien, les frères et les sœurs, on ne s’est pas contenté d’en faire les enfants d’un premier lit de Joseph, on en a finalement fait des cousins. Au nom d’une argutie incroyable, qui ne tient que dans l’hébreu et encore. En grec, ce n’est pas pensable, mais il faut ce qu’il faut, alors on s’est débarrassé des frères et des sœurs en en faisant des cousins et les croyants ont dormi, les catholiques en particulier — les protestants, ça ne les gêne pas du tout, vous savez, mais les catholiques ont dormi sur leurs deux oreilles en songeant que les frères sont des cousins et les sœurs sont des cousines. Aucun philologue sérieux ne prend ça au sérieux.
Paul le fondateur
Alors, Jésus reste juif dans le cadre juif et Paul est bien plus, pour nous, le fondateur du christianisme universel s’adressant à des païens et en difficulté avec Jérusalem de toute façon ; c’est raconté dans les actes et par Paul lui-même dans l’épître aux Galates. Paul est sans doute bien plus de l’authentique, c’est le premier que nous connaissons et il y en a peut-être eu d’autres avant lui. Ce sont des gens qui ont forcé la barrière du judaïsme, si vous voulez, qui ont bien plus réellement fondé le christianisme comme religion séparée du judaïsme, que Jésus lui-même qui n’y pensait sûrement pas.
Tout a changé quand on a cru à sa résurrection et c’est à partir de là que ça démarre. Ça aurait quand pu rester une secte juive, mais là, il y a des contingences, il y a toutes sortes de choses qui font que des juifs, des chrétiens de la secte des premiers disciples persécutés, mal vus, se sont enfuis ailleurs, sont allés probablement à Antioche et là, ont pu convertir des gens, pas seulement des juifs, mais des païens et faire un christianisme avec des gens qui étaient païens, c’est-à-dire très loin des observances juives. Si les chrétiens étaient restés judéo-chrétiens, ils n’avaient aucune chance de l’emporter parce que les païens détestent les observances juives, surtout la circoncision. Ils ne veulent pas en entendre parler.
C’est Saint Paul qui a dit : « On n’est pas obligé d’être juif pour être chrétien », mais il a eu à monter à Jérusalem et aller s’expliquer, mais on a admis qu’il convertisse des païens. Sans cette levée des observances, la secte n’aurait pas pu devenir une religion dans l’Empire romain. L’hostilité à la circoncision était trop forte.
Je ne sais pas si vous voyez bien ce que c’est la circoncision, enfin, — je veux dire dans son sens — je ne parle pas de l’opération. Ce n’est pas une spécialité juive du tout — le monde islamique la connaît largement et ça vient d’une humanité archaïque. En réalité, la circoncision se pratiquait très largement ; c’est un rite de fécondité. C’est un rite de fécondité, mais les juifs en avaient fait un sceau typique de leur nationalisme et l’interprétaient évidemment tout autrement. Ce n’était pas reçu du tout chez les Grecs et les Romains et s’il n’y avait pas eu un Paul et d’autres du même genre, le christianisme n’aurait sûrement pas pu l’emporter dans le monde d’alors.
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