La folie « ramadanesque »
Dans un communiqué, le Ministère marocain des Habbous et des Affaires islamiques note : « l’observation du croissant lunaire du mois de ramadan 1437 de l’Hégire n’a pas été confirmée, dans la soirée du dimanche 29 chaâbane 1437 A.H. » correspondant au 5 juin 2016. Ainsi ajoute le communiqué : « le mois de chaâbane aura épuisé 30 jours et le 1er ramadan 1437 de l’Hégire correspond au mardi 7 juin 2016. »
Le communiqué parle d’un calendrier qui souffle sa 1437e bougie. L’Hégire ? Mais que veut bien dire ce mot ? Et quel est ce calendrier mystérieux ? Ramadan ? Chaâbane ?
Alors que le calendrier grégorien est solaire, le calendrier musulman est lunaire. Il est composé de douze mois comme son homologue grégorien. Chaque mois a une durée qui varie entre vingt-neuf et trente jours. L’année dure 355 ou 356 jours et il est fondé sur les rotations de la Lune autour de la Terre.
Si le calendrier grégorien commence avec la naissance du Christ, le calendrier musulman débute, lui, avec l’Hégire (l’émigration), événement représentatif de la fuite du prophète Mohammed et de ses compagnons, en l’an 622, de la Mecque vers l’oasis de Yathrib, devenue plus tard, Médine, la « Ville Illuminée », pour échapper à la persécution des Quoraïchites, qui ont rejeté l’islam.
C’est sous le règne du second calife de l’islam, Omar Ibn Khattab, qui régna pendant plus de dix ans (de l’an 13 à l’an 23 de l’Hégire), que le calendrier arabe fut officiellement adopté, en l’an 17 de l’Hégire (A.H.), comme calendrier musulman, sous le nom de calendrier de l’Hégire. L’an 1 de l’Hégire est la première année de l’établissement du prophète Mohammed et de ses compagnons à Médine, qui correspond à l’an 622 du calendrier grégorien. Pour imposer son choix, le calife Omar Ibn Khattab s’est appuyé sur le verset 32 de la Sourate 9 (« Le nombre de mois, auprès d’Allah, est de douze mois »).
Or, le calendrier arabe était déjà en usage dans l’Arabie préislamique depuis au moins l’an 412 (dans le calendrier grégorien), date où les différentes tribus arabes s’étaient accordées sur l’unification des noms des douze mois du calendrier arabe, ainsi que de l’ordre de succession de ces mois.
Ramadan, qui est le neuvième mois de l’année de l’Hégire, est un mois sacré, pendant lequel, selon la tradition, le Coran fut révélé au prophète Mohammed lorsqu’il se trouvait dans la grotte de Hira située sur la montagne al-Nour, par le truchement de l’ange Gabriel. Un mois pendant lequel les musulmans font fructifier leur crédit céleste par les bonnes actions, où chaque bonne action en vaut dix et peut être récompensée jusqu’à sept cents fois.
Le mien, mon « compte courant », je l’ai clôturé le jour où j’ai renié l’islam. Dorénavant, j’aide les autres et je fais du bien en n’attendant aucune récompense dans l’au-delà, non pas par peur de Dieu, mais par choix personnel, ce qui me procure un véritable bien-être.
Du lever au coucher du soleil, le musulman ne doit ni boire ni manger, et encore moins avoir des rapports sexuels. Il doit redoubler d’efforts dans la prière, et penser plus à la souffrance des pauvres qui jeûnent, non par obligation religieuse et pour un mois seulement, mais pendant toute l’année. En jeûnant, il se repent et se rapproche de Dieu. Selon la Tradition, pendant le ramadan, les portes du Paradis s’ouvrent et celles de l’Enfer se ferment. Même les démons, avec Satan à leur tête, se retrouvent enchaînés.
L’obligation du jeûne est prescrite par le verset 184 de la deuxième Sourate : « Ô vous qui croyez, le jeûne vous est prescrit tout comme il a été prescrit à vos devanciers, afin que vous adoptiez la piété ». Les fumeurs et les amateurs d’alcool doivent arrêter. Ce verset s’adresse aux croyants. Je n’en suis pas un. Je suis sauvé ! Pas de jeûne pour moi cette année ! Mon compteur personnel est resté bloqué à 4. J’ai jeûné quatre ramadans successifs depuis l’année 2011, année de ma puberté. 2015 aura été la dernière où j’ai jeûné. Plus de ramadan pour moi, maintenant que j’ai cessé de croire à tout cela.
Non ! Car je vais devoir jeûner, non par conviction, mais par peur que quelqu’un me dénonce à la police. À l’aube de mes dix-sept ans, je risque six mois de prison, ou une amende qui varie entre 1 à 100 euros, ou même pire, que ma mère apprenne que je ne jeûne pas ! L’apocalypse non pas selon saint Jean, mais selon mon père : pour de vrai ! Il m’avait raconté que si ma mère venait à le savoir, ce serait la fin pour moi, qu’elle ne sera plus ma mère et moi plus son fils… Elle avait pleuré plusieurs jours de suite lorsqu’elle avait su que j’avais quitté la religion musulmane et que j’avais choisi l’athéisme.
Quitter l’islam, pour ma mère, est un signe d’échec social, alors que comme toutes les mères marocaines et musulmanes, elle souhaitait donner une image idéalisée de sa petite famille aux autres ; la religion étant l’un des points essentiels de cette hypocrisie sociale où les apparences comptent plus que la réalité des choses, et qui est marquée par la règle des trois H, Haram (interdit), Halal (permis) et Hchouma (la honte) ! Alors que pour moi, être libéré des croyances religieuses était une véritable renaissance.
Mon père m’avait demandé de jouer la comédie, chose que je sais bien faire, en faisant croire à ma mère que je suis redevenu musulman. Je pensais que ça avait marché, mais quand j’ai commencé à écrire ce texte, ma mère est entrée en furie dans ma chambre en m’interpellant : « Vas-tu jeûner ou pas cette année ? ». J’aurais préféré dire non, mais j’avais dit le contraire de ce que je pensais en rétorquant malgré moi que : « Quand même… ! Je ne suis pas un mécréant. ». Elle m’avait dévisagé un long moment et puis elle quitta ma chambre et alla rappeler à ma sœur de ne pas oublier de bien manger lors du shour (moment important pour un jeûneur qui lui permet de bien manger avant le lever du soleil).
Pendant trois jours, les choses s’étaient bien passées, les apparences étaient sauves bien que je n’aie pas jeûné un seul jour. J’ai même bien mangé. Pas sur la place publique, ni devant ma mère ou ma sœur, mais tout seul, dans ma chambre ou bien aux toilettes, et malgré le témoignage de certains ex-musulmans, qui me disaient que j’allais culpabiliser les premiers jours du ramadan quand je ne jeûnerai pas pour la première fois. Or ce fut des jours comme les autres.
*
À la manière de maître Yoda, je vous dis : « Tout appris sur le calendrier musulman, vous avez. Maintenant, vous enseigner sur le déroulement du mois de ramadan, je dois ». En voici une histoire, romancée bien sûr, mais à valeur de prototype :
En se réveillant un matin après des rêves agités, Ahmed (appelons-le comme ça) se retrouve, dans son lit, métamorphosé en un musulman pratiquant. Il est sur le dos, un dos aussi dur qu’une carapace et, en relevant un peu la tête, il se voit portant une longue robe en laine, blanche et ample. Il porte une djellaba. Le Coran psalmodié est écouté à des kilomètres à la ronde. La stéréo a remplacé la musique par le Coran, car la musique, paraît-il, est interdite en islam… Or, cette prescription n’est appliquée que pendant le mois de ramadan.
« Que m’est-il arrivé ? » pense-t-il. Ce n’est pas un rêve.
À vrai dire, il comprend qu’on est en plein ramadan, qu’il est redevenu musulman pratiquant, qu’il doit faire ses prières aux heures prescrites et jeûner en bonne et due forme. Il est appelé à montrer sa religiosité et sa piété aussi à la face du monde, mais surtout à ses voisins.
Sa journée commence avant l’adhan (l’appel à la prière) d’al-fajr (l’aube). Il se réveille une demi-heure avant l’appel à la prière pour fumer des clopes, comme tous les accros à la cigarette, et remplir son ventre afin de ne pas avoir faim lors de la longue journée de jeûne. Il trouve toute sa famille réunie autour de la table à manger comme des morts-vivants (à cause du manque chronique de sommeil), mais qui ne peut se passer de ce repas principal. Le prophète n’avait-il pas dit un jour : « Prenez le repas de fin de nuit (shour), car il est accompagné d’une bénédiction. » Ce dernier avait l’habitude de hâter la rupture du jeûne et de retarder le shour, et prenait des dattes, jamais en nombre pair mais toujours impair.
Le métamorphosé fait alors ses ablutions en évitant d’avaler de l’eau lorsqu’il se lave le nez et la bouche, puis se dirige vers la mosquée la plus proche pour accomplir la prière du matin et lit le Coran avant de revenir dormir chez lui.
Ahmed se réveille à midi, et des fois même plus tard, et durant le reste de la journée, il essaie de fournir le moindre effort possible afin de ne pas se fatiguer : avec seize heures de jeûne et une chaleur intense, comment peut-il faire autrement ?
En Suède et dans les autres pays nordiques, on peut jeûner vingt heures par jour. Quand il avait raconté cela à son ami, il lui avait rétorqué qu’ils méritaient cela vu qu’ils étaient des mécréants… et que c’était une punition divine, tout comme les tremblements de terre, les éruptions volcaniques…
Les personnes en âge de travailler vont au turbin, mais leur journée de travail ne sert à rien… si ce n’est à poursuivre leur sommeil au boulot. Cela fait d’eux des fonctionnaires quasi-fantômes, et dès que l’adhan de addohr retentit vers midi, ils se hâtent pour aller à la mosquée et ne reviennent au boulot qu’une heure ou deux heures plus tard. La religion est aussi importante que le travail, pourrait-on dire.
Mais revenons à Ahmed. La journée se déroule lentement, très lentement. Il a faim, il entend des gargouillements dans son ventre. Il a soif. Alors, il avale sa salive et prend du plaisir à refaire ses ablutions pour la simple raison que vous, lecteurs, aurez déduite facilement.
Tic-tac.
Tic-tac.
Il est 19 heures et 43 minutes.
Si le prophète était encore vivant, il aurait rompu le jeune avec des dattes, comme à son habitude. Il rompait le jeûne avant d’accomplir la prière.
Le muezzin boit un verre d’eau avant d’annoncer la rupture du jeûne du haut de son minaret. Il récite les mêmes paroles, à chaque prière :
Allah est le plus grand. J’atteste qu’il n’y a de Dieu hormis Allah. J’atteste que Mohamed est son messager. Venez à la prière. Venez à la félicité, Allah est le plus grand. Il n’y a de vraie divinité hormis Allah.
Il se voit concurrencé par les muezzins des mosquées voisines. Alors, il essaie d’enjoliver sa voix et d’allonger l’appel à la prière.
Ahmed, dès qu’il entend le premier mot de l’adhan se jette sur la nourriture et fait le plein. Quelques minutes suffisent pour se sentir engourdi.
C’est le moment de penser à la vie, il remarque plusieurs choses, qu’il résume ainsi :
- Je mange autant que d’habitude
- Ma mère passe plus de treize heures à préparer le repas du ftour (celui de la rupture du jeûne), alors que mon père s’endort dès qu’il rentre du travail, et n’aide en rien sa femme. Et il ne se réveille qu’après avoir entendu l’appel à la prière.
- Le ramadan ne fait que retarder les repas. On continue à prendre trois repas par jour, mais à des intervalles différents, celui du shour, celui de la rupture du jeune et le dernier après la prière des tarawih après la dernière prière du jour, prière caractéristique du mois de ramadan, une prière collective, qui varie entre huit et douze prosternations et qui dure plus d’une heure…
Il remarque autre chose : que le ramadan est le mois de l’hypocrisie, qu’on ne devient pratiquant que pendant ce mois, et qu’après le ftour, le repas de la rupture du jeûne, puis après la prière, les musulmans « en chaleur » retrouvent leurs activités habituelles, comme harceler les filles dans la rue par exemple. Il n’y a pas d’autre mois dans l’année où la libido est autant à fleur de peau. Quant aux fumeurs, ils cèdent à leur addiction avec délectation durant toute la nuit.
Que me reste-t-il à dire ?
Bon ramadan à tous !…
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