Une Église en soins palliatifs
Patrice Dartevelle
Inexorablement, l’Église catholique poursuit une descente que rien ne paraît arrêter. Dans son aire traditionnelle en Europe, elle a maintenant atteint un palier très bas.
L’opposition entre le croyant convaincu et l’athée ou le rationaliste a dominé, depuis deux ou trois siècles de sécularisation. Mais depuis quelques décennies, les croyants réalisent que le langage dont ils avaient l’habitude n’est plus audible. Le Concile de Vatican II (1961-1965) avait ouvert les esprits à beaucoup et suscité des espérances aujourd’hui déçues. La reprise en mains dès Paul VI, qui décide, en 1968 par l’encyclique Humanae Vitae, de continuer d’interdire la contraception en rejetant un texte inverse conçu par des experts et approuvé par le groupe ad hoc de cardinaux, douche les espoirs. Jean-Paul II va mettre fin bien souvent à ce qui avait été construit. C’est vrai, mais le passage des messes du latin aux langues vernaculaires a désenchanté un message que l’on croyait profond. Dévoilé, il ne fait pas sens.
Les sciences humaines, en fort progrès d’étude et de diffusion surtout à partir des années 1970, montrent la diversité des humains et les relativisent, au contraire de la doctrine catholique, qui n’admet qu’une vérité.
Plus récemment, la révélation des abus sexuels des dernières décennies mine le statut du prêtre. C’est toutefois plutôt un révélateur du changement d’esprit de la société et de la perte de prestige du prêtre. Les faits mêmes n’ont rien de neuf. La pédophilie des prêtres est un thème habituel de la presse belge anticléricale jusqu’à la Première Guerre Mondiale((Par exemple, le quotidien montois L’organe de Mons avait en 1877 une rubrique, Acta sanctorum, qui dénonçait régulièrement les faits de « petit-frèrisme ». Voir les travaux d’Anne Morelli à ce sujet.)). Par la suite, de telles dénonciations ont semblé de mauvais goût, mesquines, indignes de personnes de qualité.
Le synode de 2023
Le pape François, dont tout indique qu’il est largement conscient de la situation, du moins jusqu’à un certain point, a relancé une institution assez moribonde ou tombée dans la routine : le Synode des évêques, créé en 1965. En 2018, François y a apporté des modifications, portant essentiellement sur l’obligation de consulter les fidèles des paroisses, et a proposé en 2021 de tenir un synode en 2023 portant sur « la synodalité » elle-même. Les discussions sont en cours dans divers pays. Elles sont parfois vives et les propositions surprenantes en ce qu’elles reprennent des idées réprouvées ou interdites jusqu’ici.
L’Église catholique allemande avait une tradition de rencontres régulières.
L’une était en cours sous le nom de Chemin synodal, de sorte qu’elle combine les deux synodes. La situation y est grave. Les défections, parfaitement quantifiables et identifiables vu le système allemand d’impôt d’Église, s’accélèrent et la révélation de l’inaction de l’archevêque de Munich et futur pape Ratzinger n’a pas atténué les choses((Thomas Wieder, « Partir, l’option croissante de catholiques allemands », Le Monde, 26 juillet 2022.)).
Les discussions en cours envisagent des révisions sur certaines normes sexuelles, ainsi que sur la répartition des rôles et pouvoirs dans l’Église.
Tout n’est pas encore conclu mais le pape François tonne déjà contre ce qu’il entend. Le 29 juillet 2022, une déclaration du Saint-Siège indique qu’« Il semble nécessaire de préciser que le ‘chemin synodal’ n’a pas le pouvoir d’obliger les évêques et les fidèles à adopter de nouveaux modes de gouvernance et de nouvelles approches de la doctrine et de la morale ». Rien ne peut être envisagé avant « un accord au niveau de l’Église universelle ».
Plus brutal encore, dans un entretien publié le 15 juillet, le pape déclare : « J’ai dit au président de la conférence épiscopale allemande, Mgr Bätzing : « il y a une très bonne Église évangélique [protestante] en Allemagne. Nous n’en voulons pas deux. »(( Cf. Cécile Chambraud et Thomas Wieder, « Le Vatican tonne contre la réforme au sein de l’Église allemande », Le Monde, 26 juillet 2022.))
De fait, lors de l’assemblée du « chemin synodal » du 8 au 10 septembre 2022, les évêques ont recalé – faute d’une majorité des deux tiers en leur sein – un texte portant sur de nouvelles règles sexuelles, qui avait obtenu une large majorité au sein de la composante laïque de l’assemblée.
Les desseins du pape sont obscurs. Il semble seulement qu’il veut in fine tout décider lui-même, ce qui n’est guère l’esprit d’une réflexion synodale qu’il a lui-même initiée.
De son côté, l’Église belge a publié le 6 juillet sa synthèse nationale.
Elle avoue clairement le désarroi des catholiques. Le document n’hésite pas à déclarer : « Dans le contexte paroissial, nous ne savons pas comment nous adresser aux personnes qui ne font pas partie de notre premier cercle ».
Pire : « Nombre de familles soulignent qu’elles ne comprennent pas la messe et s’y ennuient ». Le document relaie les appels pour ouvrir la prêtrise aux femmes et aux personnes mariées et assure que « l’inégalité de traitement des femmes est pour beaucoup la principale raison d’ignorer l’Église((Cf. Bosco d’Otreppe, « De nombreux catholiques belges souhaitent des femmes prêtres » et « Les croyants se disent perdus face à leurs contemporains », La Libre Belgique, 7 juillet 2022.)).
Il n’appartient à coup sûr pas aux athées de se mêler à ce débat. Ce que nous pouvons en penser est de toute manière assez claire.
Mais, que nous le voulions ou non, l’Église influence la société. Mieux vaut donc suivre la problématique et spécialement, me semble-t-il, les réflexions sur l’avenir du catholicisme.
Où peut aller l’Église ?
Dans cette optique, un livre au titre explosif, Vers l’implosion ? Entretiens sur le présent et l’avenir du catholicisme, a paru en mai 2022((Danièle Hervieux-Léger, Jean-Louis Schlegel, Vers l’implosion ? Entretiens sur le présent et l’avenir du catholicisme, Paris, Éditions du Seuil, 2022, 392 p.)).
Il consiste en entretiens entre le sociologue Jean-Louis Schlegel, ancien directeur de la revue jésuite Études,et Danièle Hervieux-Léger, sociologue des religions des plus connues, autrice de nombreux ouvrages et directrice d’études à l’École des Hautes Études en Sciences sociales.
Le plus souvent, Jean-Louis Schlegel lance des questions et relance les débats. L’essentiel est dans les réponses de Danièle Hervieux-Léger.
Quelles sont les grandes hypothèses que les auteurs rencontrent sur l’avenir du christianisme ?
L’hypothèse charismatique
La première hypothèse n’est pas neuve. C’est la solution, si l’on peut dire, par les charismatiques dont l’ancien archevêque de Malines-Bruxelles, le cardinal Suenens, s’était occupé avant de leur imposer des limites et dont la Reine Fabiola semblait proche.
Le cardinal Suenens avait fait mettre sous le boisseau le baptême de l’Esprit, second baptême décisif parce que le croyant accède directement au Saint-Esprit.
Les charismatiques sont un peu la transposition européenne des évangéliques américains avec leurs offices spectaculaires et fortement passionnels. Des miracles (!) s’y produisent souvent comme le fait qu’au moment où la conversion (y compris pour des personnes d’origine chrétienne) s’opère par le baptême de l’Esprit, les fidèles « parlent en langues » c’est-à-dire s’expriment en une ou plusieurs langues qu’ils ne connaissent pas. C’est le sommet de l’irrationnel. Mais les évêques et assez bien de fidèles apprécient la chaleur des messes charismatiques et le renouveau qu’elle opère dans les messes catholiques.
En France, explique Danièle Hervieux-Léger, les évêques (spécialement Mgr Lustiger à Paris) ont réglé le problème, en confiant d’importantes paroisses à des prêtres charismatiques et a même nommé évêques des prêtres charismatiques.
Le cas le plus connu de ce type est Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, « évêque de référence du pôle le plus conservateur de l’épiscopat français ». Il est issu de la Communauté de l’Emmanuel, la plus connue de ce type.
Il passe pour l’inspirateur de la destruction de l’œuvre d’Andres Serrano, Piss Christ, représentant un christ en croix dans un bain d’urine. L’ennuyeux, c’est que Serrano est un artiste chrétien explicite, qui explique que Piss Christ est une œuvre qui montre le scandale de l’Incarnation. Si Mgr Rey le savait, il faut l’enfermer et s’il ne le savait pas, c’est le problème de l’inculture de nombreux évêques qui se pose.
Tout récemment, le pape a suspendu l’ordination par Mgr Rey de quatre prêtres et de six diacres. Cet évêque a pour habitude de faire venir des jeunes de différents pays lointains, comme le Brésil, et de les ordonner prêtres alors qu’ils n’ont pas la formation adéquate((Cf Cécile Chambroud, « Le Vatican suspend l’ordination de prêtres dans le Var », Le Monde, 4 juin 2022.)). Mais bien évidemment, il n’y a plus guère d’autres candidats…
Les charismatiques ont transformé la messe en spectacle émotionnel et donnent plus de visibilité à l’Église. C’est cette influence qui a donné les JMJ, les Journées Mondiales de la Jeunesse, que Jean-Paul II a soutenues énergiquement… en en prenant la direction, selon le modèle général du Vatican. Les charismatiques voulaient des fidèles qui soient acteurs de la religion, loin de la structure paroissiale, mais ils finissent par prêter la main à l’Église en s’y installant.
Le schisme charismatique, qui fait bien davantage fi de toute rationalité que ne le pourrait l’Église traditionnelle, est dangereux et peut être interprété comme une preuve du désarroi de l’Église.
L’illusion du petit reste
Plus terre à terre ou moins imaginatifs, certains veulent miser sur le « petit reste » qui subsiste dans les milieux catholiques et qui serait un « noyau solide ». C’est la thèse d’un sociologue de l’Université de Bordeaux, Yann Raison du Cleuziou, qui appelle le public les « observants ». Ce sont les fidèles qui « tiennent bon », vont à la messe le dimanche, restent attachés au prêtre et à la paroisse. Ils sont soit des conservateurs religieux, soit des militants politiques, sans doute proches d’Éric Zemmour.
Jean-Louis Schlegel et Danielle Hervieux-Léger ne relèvent sûrement pas de ce groupe : leur sympathie va au Concile Vatican II et ils ne manquent pas de relever les failles de cette hypothèse, à vrai dire béantes.
Ils ne contestent pas quelques aspects positifs à première analyse. Je l’admets, ce petit bastion devrait être résistant face au temps. C’est le minimum minimorum du catholicisme résiduaire incompressible, quelques pourcents de la population. Il offre de fortes garanties d’auto-reproduction par l’éducation qu’il continue de donner à ses enfants. C’est le triptyque « messe / école catholique / scoutisme ». Encore faut-il voir, dirais-je, que les écoles catholiques de haut niveau vont se raréfier. Danielle Hervieux-Léger crédite ce milieu d’un certain potentiel politique. L’envergure de la « Manif pour tous » le laisse croire mais elle n’a pas connu de lendemain. La droitisation des comportements politiques dans beaucoup de pays européens (la Belgique francophone fait exception) devrait les conforter.
Mais les objections, non pas sur la survie de ce groupe mais sur sa capacité à aller au-delà d’un organe-témoin, sont nombreuses. Ces « observants » ne sont pas si nombreux et ils font fuir les autres groupes, notamment tous ceux qui restent attachés à une action sociale. Les plus « militants » voient leur sort lié à celui de l’extrême-droite, pas à celui de Marine Le Pen mais à celui de Marion Maréchal.
On le voit : on reste dans le risque de l’extrême-droitisation de l’Église. Comme le dit Jean-Louis Schlegel, on nage en plein dans l’image d’Israël, qui sera du reste sauvé après la catastrophe de l’exil.
Un tel groupe, tourné vers lui-même et surtout pas vers le monde, va produire un enfermement « sectaire » (rien à voir avec ce qu’on appelle les sectes : cela peut viser tout groupe religieux ou politique qui préfère se couper du monde réel). En plus, il présente une forte homogénéité sociale, limitée à la bourgeoisie supérieure ou moyenne. Il est structuré comme un groupe de puissants très à droite, ce qui normalement ne plaît pas à la grande majorité des évêques français.
L’illusion patrimoniale
Ce groupe mise aussi sur la patrimonialisation du christianisme.
Quelques hauts-lieux symboliques continuent de bénéficier d’une fréquentation exceptionnelle : le Mont-Saint-Michel, Vézelay en France, Saint-Jacques de Compostelle en Espagne.
Ces « observants » voient, dans le public de ces hauts-lieux, la preuve qu’il reste chez beaucoup comme une étincelle cachée qui pourrait être ranimée.
Danièle Hervieux-Léger ne voit rien qui puisse faire croire pareil rêve ne serait-ce que parce que la transmission des traditions chrétiennes dans les familles est pratiquement arrêtée.
Je ne peux que la rejoindre. J’ai été confronté professionnellement à ce public, par le truchement du patrimoine immatériel et la reconnaissance publique de manifestations folkloriques (Doudou, Marches de l’Entre-Sambre et Meuse…).
Historiquement, ce sont, la plupart du temps, des manifestations religieuses. Les marches de l’Entre-Sambre et Meuse sont, par exemple, des processions accompagnées militairement.
Tant en Belgique qu’à l’étranger, les municipalités socialistes favorisent ce genre de manifestations parce qu’elles participeraient du « vivre ensemble ».
On m’a vu parcourir Alicante tout un après-midi lors de la semaine sainte : j’y ai vu des personnages portant l’effrayant chapeau à pointe comme celui du Ku Klux Klan. C’étaient des petites filles de dix ans qui distribuaient des bonbons. À Saint-Jacques de Compostelle, j’ai clairement vu qu’il s’agissait de tourisme sportif : l’incroyable comportement des « pèlerins » dans la cathédrale m’en a convaincu. Il témoignait d’une totale ignorance des offices religieux et d’un goût du spectacle incontrôlable.
Tout cela est folklorisé, comme le disent nos deux auteurs.
Vers des milieux clos
Dans cette même ligne des « observants », décrite plus haut, ils relèvent une initiative, connue aux États-Unis mais pas en Europe jusqu’ici. Il s’agit du projet de Monasphère, un projet de lotissement de maisons destinées à des familles catholiques, désireuses de bénéficier « d’un voisinage fraternel avec d’autres familles chrétiennes ». Un premier lotissement devrait se terminer à L’Île-Bouchard, lieu d’un sanctuaire marial, au Sud de Tours. Les promoteurs sont d’anciens scouts d’Europe.
Mais tant que ce lotissement ne fonctionne pas, il est difficile de juger, d’autant que refuser de vendre à des non-catholiques serait illégal.
Reste aussi que, même si le domaine est complexe et plus d’une fois opaque, certaines communautés, monastiques ou quasi, font partie de cette tendance et jouent un rôle certain. Ainsi, la Communauté Saint-Martin à Évron, association de droit pontifical, est devenue le premier formateur de prêtres en France. En 2021, on y a ordonné 26 des 130 nouveaux prêtres. Nul doute que les évêques soient sensibles à une efficacité rare, même s’il s’agit de prêtres particulièrement « tradi ». L’action de Mgr Léonard en Belgique allait dans le même sens. Mais le Vatican commence à se méfier et une visite épiscopale est prévue((Cf. note 6.)).
Face à cet ensemble d’ultra-droite, auquel je ne prête pas de grande capacité d’expansion, je dirais d’un point de vue belge que si, dans vingt ans, on constate que la moitié des prêtres sont de cet acabit, et qu’ils ont comme principale activité la lutte contre l’avortement, les droits des homosexuels, l’euthanasie, il faudra faire comme les républicains français en 1905 et cesser de nourrir les prêtres.
Le catholicisme diasporique
Passons à ce que propose et tente de décrire Danièle Hervieux-Léger dans une hypothèse bien davantage à sa convenance. Observons qu’ici, elle est proche de ce qu’elle décrit.
Sur un point essentiel, elle est d’un parfait radicalisme. Pour elle, il n’y aura pas de solution sans désacralisation du prêtre. Celui-ci est théologiquement un être supérieur aux fidèles. Son statut est confirmé par l’obligation (depuis le XIe siècle) du célibat((Interview par Cyprien Mycinski, Le Monde du 28 juin 2022.)).
Ces éléments aboutissent à la distinction du pur et de l’impur, qui met inéluctablement les femmes sur la touche.
Danièle Hervieux-Léger accepte comme une réalité la polarité entre « un catholicisme identitaire et un catholicisme d’ouverture » tout en mettant en garde contre l’assimilation à une opposition politique droite/gauche (je la rassure, elle a perdu beaucoup de sa force) et en faisant remarquer que les deux groupes réfléchissent à l’identité chrétienne.
Elle semble également radicale sur le rôle du Vatican, tout en constatant, après bien d’autres, que son autorité sur les fidèles est devenue pure fiction depuis quelques décennies. La disparition de son rôle d’autorité lui semble indispensable parce qu’actuellement l’autonomie du jugement chez tout citoyen est inséparable de la décision d’être chrétien. Ce n’est plus une simple formalité. Ceci dit, elle reste embarrassée par la décision claire de Jean-Paul II de réserver la prêtrise à des hommes non mariés. S’est-il exprimé sous le couvert de l’infaillibilité pontificale ? Sans doute, mais Hervieux-Léger évite la réponse.
Elle propose un christianisme ouvert, « diasporique », au sens étymologique du terme, c’est-à-dire dispersé.
Des groupes de ce type existent, le plus souvent à l’écart de la structure paroissiale, qui regroupe des croyants qui ne se sont pas choisis et qui peuvent être très divers.
Le catholicisme diasporique doit admettre que le catholicisme « n’englobe plus la société et la culture » et constater l’autonomie progressive des communautés chrétiennes. Mais l’Église ne disparaît pas, elle devient la « structure des communautés » entre les croyants.
Quand Jean-Paul Schlegel lui dit que la cohésion de tout cela sera bien difficile, elle renvoie au cas des Églises protestantes, qui n’ont pas disparu. La similitude est évidente et, comme on l’a vu plus haut, le pape François le voit.
Affaire de style ?
Mais qu’est-ce qui anime réellement ce christianisme ouvert ?
Danièle Hervieux-Léger refuse une Église qui soit contre-culturelle par rapport au monde. Elle lui substitue le terme « alter-culturel ».
Tout ce que j’ai trouvé là de clair est qu’il s’agit de donner à voir un « style chrétien – une manière chrétienne d’habiter le monde – » en fait de « solidarités locales, de l’accueil des migrants, de la pratique écologique la plus ordinaire ».
L’idée de « style chrétien » et l’abandon ou la non-présence de toute référence dogmatique sont intéressantes mais on est loin dans l’ineffable.
Le seul point un peu creusé est l’écologie intégrale mais il a tout pour m’inquiéter. Il y a bien des définitions de l’écologie intégrale. Elle voit que l’une d’entre elles, fondée sur une sacralisation de la morale, peut mener à « remettre en cause la conquête moderne de l’autonomie et le progrès de la société ». La pilule contraceptive ne relève pas de l’ordre naturel… Plus prudent, Jean-Louis Schlegel, lui, propose, au lieu de parler d’écologie intégrale, de se contenter du concept de « limite » à l’exploitation de la nature. Danièle Hervieux-Léger doit bien conclure que, sur ce sujet-là comme sur d’autres, tout cela renvoie « à des conceptions de l’Église, des théologies et à des politiques qui coexistent difficilement sous le parapluie de plus en plus fictif de la communauté ecclésiale ».
Le message est vide
Je dois avouer que je partage l’interrogation qu’exprime Jean-Louis Schlegel dans sa conclusion : « On peut se demander si le message d’un salut extra-mondain dû selon la théologie chrétienne, à une rédemption obtenue grâce à la mort de Dieu sur une croix… a encore des chances d’être entendu ».
Certes, la perspective du synode a centré le débat sur des problèmes d’organisation de l’Église mais le talon d’Achille est là : le contenu même du christianisme – et pas seulement les propos de l’Église – sont devenus inaudibles.
Cette conclusion me rappelle la lecture d’un livre paru en 1943, La France, pays de mission ? Ses auteurs sont deux prêtres, Henri Godin et Yvan Daniel. Danièle Hervieux-Léger le qualifie de livre-choc et son retentissement a été considérable. Le livre comporte une première partie qui montre que l’Église, dès les années 1930, a entamé son déclin face à une partie de la population, spécialement les ouvriers. Cette partie du livre est novatrice, lucide et courageuse.
On parle moins de la seconde partie du livre, parfaitement consternante. Elle porte sur le contenu de la foi, de la religion qu’envisagent les auteurs. Ils ne parlent que de morale sexuelle, de lutte contre le « relâchement sexuel ». Ils ont une véritable obsession : la lutte contre les relations sexuelles préconjugales.
C’est parfaitement névrotique.
Le problème est le fond, pas les modalités d’organisation. Mais cela ne signifie pas que l’avenir appartienne aux athées, ne nous y trompons pas.
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